LA « MEDIATION ATTITUDE »

La médiation, qui se définit comme un mode de résolution des conflits par une voie non judiciaire, est encore peu connue dans le monde de l'entreprise.

Bien que la médiation ait des origines lointaines, elle reste  peu utilisée pour mettre fin à un conflit opposant deux personnes en relation d'affaires: fournisseur/client, employeur /employé etc.. La principale raison semble être fondée sur l'importance donnée dans notre culture judéo-chrétienne et occidentale à la loi comme censeur des droits et devoirs de chaque individu. La place primordiale de l'individu, par opposition au groupe omniprésent dans les civilisations primitives,  a aussi généré l'idée que le conflit entre deux personnes ne pouvait être résolu que par une norme extérieure aux individus concernés et selon un mode distributif.

La norme a émané d’abord  de Dieu, puis  de l’Etat exerçant leur censure respective au travers  de leur représentant sur Terre d’abord avec l’Etat monarchique puis  au travers de l’organisation judiciaire du peuple devenu souverain avec l’Etat républicain.

 Elle s’est exercé  selon un mode distributif : la loi indiquera qui a raison et qui à tort, qui devra réparer et qui sera le vainqueur.

La médiation, au contraire, ne se préoccupe pas des torts de chacune des deux parties mais bien plutôt de leurs  intérêts à court et à long terme. Le  judiciaire tend à identifier chaque partie au conflit au travers de ses  raisons et de  ses torts. La médiation ne vise qu'à favoriser la construction et la naissance  par les parties d’ un accord fondé sur leurs   seuls intérêts, peu importe que l'une ou l'autre aurait pu être déclarée avoir raison ou avoir tort selon la loi.

Il en résulte une grande différence dans la mise en œuvre des deux modes de résolution des conflits.

Le judiciaire est animé par le souci de la transparence de la procédure organisé selon le  débat contradictoire qui exige que tout ce qui tendra à faire reconnaître  la faute imputée à l'une ou l'autre des parties, telle que représentée devant le  juge par les avocats de chacune d'entre elles, devra être connue de la partie incriminée, avant l'audience devant le juge en charge de trancher.

Le judiciaire se préoccupe de la présomption d'innocence tant que l'une des parties n'a pas été reconnue coupable ou en tort.

Au contraire, en médiation,  le médiateur,  qui n’a pas pour rôle de trancher sur les torts et le raisons de chacun, n’hésitera pas à communiquer avec l’une et l’autre des parties en toute confidentialité (les caucus dans le processus de médiation).  L’important n’est plus de renforcer le sentiment d’égalité de chacune des parties dans la révélation de leurs griefs respectifs, ce qui ne fait que figer les termes de leur  conflit que le juge se chargera d’arbitrer, mais plutôt  de « ramollir » leur conviction que chacune d’entre elles a raison, afin de les aider à se rapprocher dans la recherche d’une issue à leur conflit.

Comment la médiation doit elle se positionner face à l’organisation judicaire ?

Concernant le juge, ce dernier ne participe à aucun moment au processus de médiation, à l’exception de la médiation  familiale qui est souvent initiée par lui. Cependant, dans ce cas, le juge va recommander aux parties de choisir un  médiateur et il n’aura à aucun moment à participer au processus de médiation. Si la médiation n’aboutit pas, les parties reviendront vers lui, mais ce risque est dans la pratique assez exceptionnel, les parties ressentant la forte pression d’avoir à trouver un accord sauront faire les concessions nécessaires, avec le soutien du médiateur. Si elle aboutit, les parties  pourront revenir  vers le juge s’ils souhaitent une  l’homologation de leur accord.

Dans le cadre de la médiation conventionnelle, telle qu’autorisée désormais depuis son incorporation en 2012 au Code de Procédure Civile, qui n’intervient qu’à l’initiative des parties, le juge a perdu l’initiative  de la médiation, mais il a seulement conservé son rôle dans l’homologation de l’ accord de médiation.

Plus problématique est la question de la participation des Avocats  à la médiation. Certains médiateurs sont très réservés, mais la majorité accepte de les associer, le moment venu, au processus de médiation.

Je partage cette approche mais l’Avocat ne devrait intervenirsoit qu’au titre de simple auditeur des réunions auxquelles son client participe, afin, lorsque l’accord de médiation sera  effectif, de faciliter sa validation juridique par un Avocat au moment de  sa rédaction , soit qu’au moment de la relecture du projet d’accord, non pas pour en modifier les termes de fonds mais pour que ses dispositions techniques ( calculs des indemnités en cas de licenciement, engagements réciproques des parties)  ne soient  pas contraires  à la loi concernée ou  à l’ordre public..

Une dernière question : peut-on devenir médiateur lorsque l’on  est  ou a été Avocat ?

Pour l’avocat, il y a un besoin nécessaire d’adaptation à la médiation : l’avocat est conduit à analyser le conflit du point de vue de son client. Il pourra ressentir un trouble certain, s’il est présent à la médiation, de rester passif puisqu’il aura reçu la consigne de ne pas intervenir dans le débat de fonds.

Je pense que la solution est  que l’Avocat laisse son client aller en médiation seul, après avoir rencontré le médiateur et ensuite son client.

 Il faut pour cela que l’avocat ne soit pas hostile à la médiation, ce qui implique qu’il ait eu l’occasion d’être formé à la découverte de l’intérêt de son usage dans les circonstances où un procès sera contreproductif pour les parties, et en particulier pour son client. Un fabricant n’a aucun intérêt à poursuivre son client devant la justice s’il peut trouver une autre voie lui permettant de pérenniser des relations commerciales   irrémédiablement compromises en cas de procès.

Si cela est le cas, on voit mal l’avocat aller à l’encontre des intérêts de son client au risque d’être en désaccord avec lui. Il est à cet effet assez paradoxal que ce soit souvent le client qui sent l’intérêt d’une autre forme de résolution du conflit, soucieux de préserver ses relations commerciales : il en parlera à son avocat et  ce dernier lui donnera son avis. Dans la mesure où l’avocat n’est sensé n’agir que dans l’intérêt de son client et non dans le sien, qui serait peut-être  mieux satisfait  financièrement par la voie judiciaire, il y a de grandes chances, ne serait-ce que pour garder la confiance de son client, que son avis converge  vers la médiation.

Dans d’autres circonstances, ce sont les difficultés  et les gros aléas prévisibles d’un procès qui pousseront l’avocat à suggérer la médiation à son client. Sans faire de l’angélisme, nous ne croyons donc pas  que l’avocat puisse réellement être un obstacle au choix d’une médiation. Et si cela était le cas,  il s’agirait d’une question d’éducation et de formation de l’avocat dont le Barreau devrait se préoccuper car il en va de l’intérêt de l’efficacité de la justice.

Une fois ce préalable franchi et si l’avocat et son client s’accordent sur le choix de la médiation, le rôle de l’avocat est plutôt d’intervenir à la fin, avec la réserve suivante tirée de mon expérience. S’il vient dans les derniers moments de la médiation pour  juste relire, sachant que normalement il est de l’intérêt des parties que l’accord soit signé sans attendre plusieurs jours d’incertitudes, le risque est que l’avocat, placé sous la pression de ne pas retarder cette signature, fasse une erreur et que celle-ci apparaisse plusieurs jours après la signature. Elle obligerait alors, si l’erreur corrigée entrainait des conséquences moins avantageuses pour l’une des parties, à une renégociation plutôt désagréable. La solution est donc que l’avocat soit averti d’un accord en vue et qu’il vienne suffisamment tôt pour accompagner la finalisation de la médiation, où il ne s’agira plus seulement de discuter du fonds mais de la forme et de la légalité de l’accord  alors en vue. Il pourra alors intervenir pour attirer l’attention des parties sur les conséquences  juridiques de tel ou tel point  d’accord ou de sa formulation et de le corriger avant qu’il ne soit ancré dans l’esprit de la partie qui  pourrait  en bénéficier.

Si la médiation est compatible avec le judiciaire, cela  signifie pas que la judiciaire doive absorber la médiation et devenir une spécialité des cabinets d’avocats, comme toute autre discipline du droit. Ce serait nier la spécificité de la médiation, que nous avons rappelé en début de ce blog. La médiation ne doit pas être encadrée par le judiciaire et doit  rester avec l’arbitrage  un mode autonome de résolution des conflits.

L’empressement de certains Barreaux depuis quelques temps  de contrôler l’expansion de la médiation, devant la multiplication des initiatives de plusieurs cabinets d’avocats de constituer des associations de médiation, est une attitude  qui ne doit pas déboucher sur une intégration de la médiation dans le monde judicaire. La médiation doit rester ouverte et ne pas s’intégrer dans un nouvel ordre règlementé et hiérarchisé

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